France

pdf Découverte de sels de nitrate d'uranium et thorium (538 ko)

Circonstances de l'incident

Entre les mois de mai et juin les sapeurs-pompiers sont intervenus à trois reprises chez deux particuliers et une ancienne pharmacie d’hôpital pour la découverte de deux fioles de nitrates d’uranium et une de nitrate de thorium. 

Fiole de nitrate de Thorium (Particulier)

La fiole de nitrate de thorium est découverte dans une armoire contenant plus d’une centaine de flacons de produits chimiques dans le garage d’une habitation. Cette découverte fait suite au décès du propriétaire, l’héritier ignorait la présence de matière radioactive dans le garage. L’ancien propriétaire était un ancien photographe. Appelés pour une levée de doute sur la présence de produits chimiques dangereux, les sapeurs-pompiers ne découvrent la fiole radioactive qu’après deux heures d’intervention durant lesquelles ils ont trié les produits chimiques. 

Une mesure de débit d’équivalent de dose est réalisée sur la fiole à l’aide d’un radiamètre. Ce dernier indique une valeur de 800 µSv/h au contact et de quelques micro sieverts par heure à 1 m. ce qui confirme la présence de radionucléides. Par la suite, des frottis secs sont réalisés sur la fiole et les fioles de produits chimiques situées à côté. Des frottis à l’alcool isopropylique sont réalisés sur l’étagère afin de contrôler la présence de contamination radioactive sur cette dernière. Tous les frottis sont mesurés sur une échelle de comptage de 1 min avec une sonde Alpha 100 cm² pour les frottis secs et une sonde X pour les frottis humides. Une spectrométrie gamma est réalisée afin de confirmer la présence de Thorium.

DED contact

DED 1 m

Frottis secs Alpha fiole (1 min)

Frottis secs Alpha fioles voisines (1 min)

Frottis humides sonde X étagère (1 min)

800 µSv/h

3 µSv/h

Négatifs

Négatifs

Négatifs

La fiole est doublement emballée dans un sac plastique zippé et placée dans un seau de sable afin de faire écran. L’entreposage est réalisé dans la cave de la maison avec réalisation d’un zonage à 2 m environ (DeD correspondant au bruit de fond). Après contact avec l’ANDRA la fiole sera évacuée gratuitement sous trois mois après passage du dossier à la CNAR (commission nationale dans le domaine des aides radioactifs - https://www.andra.fr/espace-producteurs/conditions-de-prise-en-charge-des-objets-radioactifs).

 
Figure 1. Armoire de stockage : produits chimiques et fiole radioactive

   
Figure 2. Fiole de nitrate de Thorium Figure 3. Réalisation de la spectrométrie gamma

 
Figure 4. Stockage temporaire au sous-sol avant enlèvement ANDRA

Fiole de nitrate d’Uranium (particulier)

Les héritiers d’un ancien pharmacien découvrent, lors du rangement de la maison destinée à la vente, de nombreux produits chimiques dans le garage ainsi qu’une fiole de nitrate d’Uranium. La couleur jaune et la mention Uranium, interpelle la famille qui suspecte la présence de matière radioactive et fait appel aux sapeurs-pompiers pour effectuer une levée de doute sur cette fiole. A l’arrivée des sapeurs-pompiers, ils découvrent une petite fiole conditionnée dans un pot de confiture avec la mention nitrate d’Uranium, le nom du fabricant et le poids (25 grammes). Après discussion avec les personnes présentes sur place, il s’avère que la mise dans le pot de confiture a été réalisée par une personne de la famille présente sur place sans gants.

Un contrôle de contamination est réalisé immédiatement sur les mains de cette personne avec un ictomètre portatif mesurant les rayonnements Alpha, Béta et gamma. Le résultat de la mesure est négatif, un lavage de mains ayant été réalisé entre temps.

Des mesures de débit d’équivalent de dose sont réalisées sur le pot de confiture et sur la fiole avec un radiamètre équipé d’une sonde gamma à scintillation adaptée aux faibles débits. Les mesures sont relativement faibles de l’ordre de 450 nSv/h pour la mesure au contact de la fiole avec un bruit de fond initial de 100 nSv/h. Les mesures à 1 m de la fiole se rapprochent du bruit de fond. En complément, des frottis secs avec mesure sur une échelle de comptage de 1 min sont réalisés sur le pot de confiture et la fiole. Les valeurs sont négatives et la présence de contamination est écartée. Une spectrométrie gamma est réalisée afin de confirmer la présence d’Uranium. Deux spectromètres portables sont utilisés et confirment la présence d’Uranium. 

Spectromètre 1 : l’analyse de l’appareil propose de l’uranium 238 avec une confiance de 100 % et reconnaissance de 2 pics sur 3 ;

Spectromètre 2 : l’analyse de l’appareil propose de l’uranium 235 avec une confiance de 48 % et reconnaissance d’un pic sur 3.

 

Débitmètre avec sonde scintillation (nSv/h)

Ictomètre portatif (g) en c/s

Sonde SA 100 (a) en c/s sur 1 minute

Bdf

100

1

0

SAS

100

1

0

Levée doute sur personne

 

0,8

 

Garage fond gauche

110

0,8

0

Garage fond centre

90

1,1

0

Garage fond droite

100

1

0,05

Frottis 1 (double emballage)

78

0,8

0,03

Mesure directe (5 cm au-dessus source)

140

20

0

Frottis 2 (ensemble du flacon source)

133

0,8

0,08

Contact flacon source

450

80

0

1m du flacon source

150

1,2

 

Contact double emballa final

180

2

0

1m double emballage final

140

1,5

 

Enfin, une estimation grossière de l’ordre de grandeur de l’activité est réalisée en s’appuyant sur le « guide pratique radionucléides et radioprotection ». En effet, le flacon ressemble fortement à celui décrit dans le guide. Or, dans ces conditions, le guide fournit un débit d’équivalent de dose au contact de 1,5.10-3 µSv/h pour une activité de 1Bq. Une règle de trois, appliquée à la mesure au contact (450 nSv/h) nous permet une première estimation de l’activité de la source à 300 Bq.

Compte tenu de l’absence de contamination et d’un débit d’équivalent de dose faible (450 nSv/h), la source est laissée dans le garage avec pose d’un balisage et interdiction de s’en approcher. Les héritiers contacteront l’ANDRA pour une récupération ultérieure.

   
 Figure 5. Fiole à l'arrivée des sapeurs-pompiers  Figure 6. Organisation du chantier dans le garage avec EPI   

Fiole de nitrate d’uranium dans l’ancienne pharmacie d’un hôpital

Lors du transfert du local de stockage des produits chimiques de la pharmacie d’un ancien hôpital, l’employé en charge de référencer tous les produits chimiques identifie une petite fiole de nitrate d’uranium sur une étagère. N’ayant pas de notion et de matériel de radioprotection, la mise en évidence du caractère radioactif n’est pas possible. Il est donc demandé au sapeurs-pompiers d’effectuer une levée de doute sur cette fiole.

Après questionnement avec l’employé en charge du transfert des produits chimiques, il indique n’avoir pas touché la fiole et travaille toujours avec des gants. Aucun contrôle ou décontamination n’est réalisé sur l’employé. Les mesures réalisées au contact de la fiole avec un débitmètre équipé d’une sonde à scintillation indiquent un débit d’équivalent de dose de 0,9 µSv/h au contact et de 100 nSv/h à 1 m. Des frottis secs sur la fiole et l’étagère sont mesurés sur échelle de comptage de 1 min avec une sonde Alpha 100 cm². Ces derniers sont négatifs. La présence de contamination Alpha est écartée.

La fiole est emballée dans deux sacs plastiques à fermeture zippée et isolée dans le local. Un périmètre de sécurité de 1 m est réalisé. L’ANDRA est contacté par le responsable de la pharmacie pour un enlèvement.

   
 Figure 7. Fiole de nitrate d’uranium sur l’étagère de stockage  Figure 8. Fiole de nitrate d'uranium

La spectrométrie gamma réalisée confirme la présence d’uranium : 235U et 238U.


Figure 9. Spectrométrie gamma

  • Raies de référence rouge : 238U
  • Raies de référence noires : 235U

Actions communes réalisées par la CMIR sur ces trois interventions

  • Prise en compte de l’environnement et du contexte.
  • Montage d’un SAS d’entrée et de sortie de zone. Equipement des personnels en tenue papier de type 5-6, sur chaussures, gants et masque filtrant avec cartouche ABEK2P3. Dosimétrie : passive poitrine et extrémités (bague) + opérationnelle.
  • Réalisation de frottis avec mesure sur échelle de comptage sur 1 min pour plus de précision.
  • Double emballage et isolation des fioles avec mise en place d’un périmètre de sécurité.
  • Information des risques aux requérants.

Actions prises suite à l'incident

Dans le cadre de l’intervention de la CMIR hors Plan Particulier d’Intervention[1] (PPI) nucléaire et en application de la circulaire 1390 du 23 décembre 2005, l’ASN et l’IRSN sont informés de cette intervention. 

L’Andra est également contactée afin d’organiser la récupération des fioles. Dans le cadre de la découverte de matière radioactives par des particuliers sans lien direct avec son acquisition, une prise en charge totale ou partielle de l’enlèvement est possible après passage en commission nationale dans le domaine des aides radioactifs (CNAR). 

Conséquences radiologiques estimées par les acteurs

Nulles, pas de contamination des personnels, de la zone de stockage ou des fioles.

Dosimétrie nulle pour les intervenants : dosimétries opérationnelle + passive (poitrine + bague).

Conséquences potentielles : 

Les débits d’équivalent de dose émis par les sels de nitrate d’Uranium sont très faibles. Cependant, ceux émis par les sels de nitrate de Thorium peuvent être plus conséquents (supérieur à 500 µSv/h) comme dans le premier incident décrit. Si la fiole manipulée par le particulier dans le deuxième incident avait contenu des sels de nitrate de Thorium, l’exposition aurait pu être plus importante.

Leçons à tirer de l'incident

  1. Faire attention à la présence possible de sels de nitrates d’Uranium ou de Thorium dans des stockages de produits chimiques. En effet, par le passé, l’achat et l’utilisation étaient moins encadrés qu’actuellement.
  2. En cas de présence de ce type de sels de couleur jaune fluorescents, ne pas les manipuler et informer immédiatement le conseiller radioprotection de l’établissement (si l’établissement en dispose), sinon le responsable HSE.
  3. En cas de doute ne pas toucher les flacons contenant ces sels.
  4. La présence de contamination Alpha est à envisager autour du bouchon des fioles.
  5. Informer les personnels des laboratoires ou des soutes de chimie (stockage de produits chimiques dans les facultés), qu’il faut être prudent lors de la découverte de vieux produits chimiques. Des sels radioactifs peuvent être présents. 

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[1] Les plans particuliers d'intervention sont établis, en vue de la protection des populations, des biens et de l'environnement, pour faire face aux risques particuliers liés à l'existence ou au fonctionnement d'ouvrages ou d'installations dont l'emprise est localisée et fixe. Voir Décret n°2005-1158 du 13 septembre 2005 relatif aux plans particuliers d'intervention concernant certains ouvrages ou installations fixes et vidéo explicative de l’ASN.